[ Out of control ]

Viens mais ne viens pas quand je serai seule…

La jeune fille ne les supportait plus. Tous, ils étaient là, à lui lancer des regards soulagés. Oui, son aventure avec le vampire avait filtré. Certain avait lu dans son esprit le souvenir de cette fois où elle avait cru mourir, alors que la soif hantait le regard bleuté de son pire ennemi. Oui, il aurait pu boire son sang. Mais il l’avait épargné alors même qu’elle s’était enfuie. Il ne l’avait pas poursuivi de sa colère. Et elle était partie, seule, le cœur lacérée mais le corps intact. Jill se sentait défaillir sous les regards inquiets, parfois agacés de certain de ses amis. Elle prenait des risques, sans cesse, ne rejetant jamais réellement la mort. Et ils avaient peur. Car elle plongeait sans cesse dans une haine plus aveuglante, dans une vie un peu plus morte chaque jour. Deviendrait-elle un jour un spectre agité seulement par la brise d’une vengeance inaccomplie ? L’adolescente se releva brusquement, sous le regard blasé de son professeur d’anglais. Après tout, elle pouvait être perturbée. Elle avait perdu sa mère étant jeune, puis son frère, puis son amant. Bien que la mort de sa mère ait eu lieu trop tôt pour qu’elle en soit atteinte, la chose lui servait d’excuse. Bien que les deux autres décès soient plus marquants pour son esprit, celui de la mère restait plus frappant pour le corps enseignant. On murmurait que sa famille était bien malheureuse. La mère emportée par le cancer, le frère assassiné, et les jumelles introverties. Pauvre père ! Les yeux sombres de son enseignant la suivirent alors qu’elle disparaissait en tirant violement la porte avec elle. Elle n’en pouvait plus. La récréation sonnerait dans un instant, elle avait bien le droit de prendre un peu d’avance. Filant vers les toilettes, évitées de la majorité puisque certains aimaient s’y rouler des joints, Jill laissa la colère l’emporter. Elle claqua la porte derrière elle, et dans un hurlement enragé tomba sur les genoux. Tenant sa tête dans les mains, la jeune adolescente cria, tentant d’évacuer cette … cette chose qui la dévorait de l’intérieur. Ce mélange infâme de douleur et d’amour, de colère et de tristesse. Comme un léger sanglot qui l’étouffait sans jamais pouvoir jaillir. Les larmes roulèrent d’elles-mêmes, alors qu’elle se libérait, son corps tremblant sous les efforts qu’elle faisait pour rester humaine. C’était certes une mauvaise idée, mais l’alpha se roula en boule sur le sol sale. Les convulsions ne s’arrêtaient plus, et quiconque l’aurait vu ainsi aurait pu comprendre pour cette jeune femme qui paraissait si pure avait pu assassiner l’amour de sa vie dans une perte de contrôle. Sa nature, depuis la mort de son frère, s’était faite plus encombrante, prête à prendre le pas sur son humanité et à la transformer en animal. Il lui arrivait encore de devenir une bête sans même le vouloir, lorsqu’elle éclatait. La douleur la fit arquer un instant le dos, alors qu’elle sentait la louve se battre pour ressortir. Mordant violemment ses lèvres, Jill se recroquevilla un peu plus. Enfin, elle parvint à se calmer, et son cri s’étouffa.

La lycéenne se releva, époussetant la cendre de cigarette qui tachait sa robe noire. Jill fixa son reflet dans le miroir légèrement sale. Ses yeux pourpres lui renvoyèrent un regard lassé, et elle éprouva de la compassion pour cette enfant qui se résignait à la torture de sa déprime.
Elle s’apprêtait à peindre un nouveau sourire sur son visage, pour rejoindre les autres élèves, lorsque la porte s’ouvrit derrière elle…

Invité

« Mais pourquoi elle a fait ça ?
- Cette fille est malade ...
- On dit que son frère est mort ...
- A sa place j'aurais pété les plombs aussi, la pauvre !
- Ouais mais quitter le cours comme ça ! »

« VOUS ALLEZ LA FERMER OUAIS ! »

« Bon okay, elle a quitté le cours, on va pas non plus en faire une affaire d'état ! Vous êtes vraiment méprisables, à chercher dans les moindres recoins, comme des cafards, des trucs salaces que vous pourriez raconter et déformer à votre guise ! »

« Hey. »

« Laisse tomber, c'est méprisable. Ne te préoccupes pas de leurs regards, contente toi de te reconstruire à ta guise. »

« Quant à la meute, on te suivras tous. »

[ Pas d'inspi U__U ]

Jill sourit en entendant sa sœur de meute. Leah. Alors elle avait pris sa défense. Si ses compagnons lycanthropes avaient surtout craint pour sa vie, elle savait que la plupart des autres élèves la prenaient pour une tarée. Bon, après tout, elle les comprenait, après son petit accès de rage. L’alpha fixa ses yeux pourpres dans ceux tout aussi écarlates de la Quileute albinos. Ses paroles étaient intelligentes, et elle savait qu’elle aurait du les suivre comme elle aurait suivi un conseil particulièrement avisé. La jeune fille passa vivement ses doigts dans sa chevelure décoiffée, y mettant un ordre factice. Déjà des mèches auburn retombaient sur ses yeux, vrillant de leur ombre les yeux rubis.

« Ce n’est pas si simple, Leah. »

Son soupir était agacé, mais son emportement n’était pas dirigé contre la jeune louve. Plutôt contre elle-même, à moins que cela ne soit contre ces crétins qui persistaient à commenter chacun de ses gestes. La jeune fille, douée et aimée d’il y a deux ans était devenue la tarée, l’attraction principale. Au fond, elle s’en fichait. Il y avait la meute, comme l’avait fait remarquer Leah. Et les loups la comprenaient mieux que quiconque, puisqu’ils pouvaient lire à même son esprit. Si cette proximité l’avait souvent gêné, elle lui avait aussi permis de vivre, de continuer à mettre un pied devant l’autre. Mais pas de se reconstruire. Car sa souffrance restait la plus intime possible. En tant qu’Alpha elle ne pouvait se permettre de laisser errer sa douleur dans son esprit alors qu’elle était louve, et que ses amis partageaient ses pensées. Ils auraient soufferts avec elle. Et ne le méritaient pas.

« Car à leurs yeux, c’est moi, qui suis méprisable. »

La meute la suivrait. Elle le savait. Ils n’avaient pas le choix, ces loups. Elle ordonnait, et sa voix était celle de l’Alpha. Personne ne pouvait lui désobéir. S’il le fallait elle pouvait les faire ployer. Mais elle n’aimait pas s’y résoudre. Certains la suivaient contraints et forcés. Comme Lily. D’autres, comme Axel, la faisait se sentir plus coupable encore. Il avait raison, elle ne pouvait lui ordonner d’être heureux. Mais Leah ne semblait pas juger l’alpha, mais l’être humain qui souffrait. Et Jill lui en était reconnaissante.
L’alpha entendait des bruits, derrière elles. Déjà les élèves étaient sortis. Après sa sortie brusque, elle savait qu’elle aurait droit à d’autres regards gênants. Exprimant pitié, compassion, gêne, peur. Ou soutien. Et ces derniers seraient les seuls auxquels elle devrait faire attention. Ils viendraient des prunelles sombres des Quileute. Les seuls à avoir le droit de la juger. Les seuls à pouvoir la comprendre. Ses yeux rubis sondèrent ceux de Leah. Une camarade de classe, et pourtant, se complaisant dans sa solitude comme elle le faisait sous sa forme humaine, elle n’avait jamais pris la peine de la découvrir. Elle avait Naomi, une jeune fille normale, qui comprenait sa douleur puisqu’elle la partageait, sans courir le risque de mourir dans cette guerre. C’était pour elle que Jill se battait encore en temps qu’Alpha. Pour protéger des humains comme elle. Et puis il y avait son loup solitaire, Aaron. Il parvenait difficilement à se transformer, lui qui devenait dépendant à l’alcool comme elle était dépendante de lui. Elle avait besoin d’eux pour vivre. D’eux et de Skin. D’eux et d’Edouard… Son esprit chassa à grand peine le vampire de sa mémoire. Qu’il crève. Elle ne voulait plus le revoir. C’était trop risqué. Son cœur volerait en éclat.

« Quand à la meute… comprennent-ils réellement ? »

Ils savaient qu’elle avait perdu son frère. Ils avaient ressenti sa douleur quand elle avait perdu l’être dont elle s’était imprégnée. Mais comprenaient-ils son amour pour ce vampire, elle qui les haïssait plus que tout ? Saisissaient-ils la folie qui la prenait lorsqu’elle souhaité courir jusqu’à sa propre perte, pour détruire au moins un ou deux vampires avec elle ? Tous avaient soufferts. Mais eux, s’imposaient-ils cette souffrance ?

Invité

En réponse au grésillement de la cloche, et aux innombrables pas qui commençaient à résonner, je refermai la porte des toilettes et m’appuyai contre. Avec mon poids qui exerçait une pression sur la porte – les cours de physique n’étaient pas si inutiles que ça – personne d’autre qu’un loup ne pourrait ouvrir la porte. Un vampire à la limite ... Mais pensez-vous vraiment qu’il y aurait des vampires dans le repaire des loups ? Non, restons sérieux je vous prie.

Ce n’est pas si simple. Non, évidemment, la vie n’est pas facilité, sinon ça se saurait. Mais le plus important était que notre Alpha se reconstruise. Elle était sensé être l’icône de la Meute, mais ressemblait plutôt à une loque qui voltigeait aux quatre vents. Chose normale, vu que le précédent Alpha venait de mourir. Si cette nouvelle attristait plus d’un loup, elle était d’autant plus destructrice chez Jill, puisqu’il s’agissait de son grand frère. Les loups auraient, sans nul doute, respecté sa douleur, si cette dernière ne s’était pas teinte d’hérésie. Car l’alpha s’était imprégné ... D’un sale vampire, peut-être même celui qui avait tué son prédécesseur. Jill était donc toujours suivie, mais plus respectée. Dans la Meute, étais-je la seule qui n’en avait rien à foutre, des histoires de cœur de celle qui nous menait ?

Jill avait raison, une fois de plus, car aux yeux des nôtres, c’était elle qui était à blâmer. Aux yeux des nôtres, mais pas aux miens. Il y avait en elle deux personnalités. La louve, l’alpha qui les menait à la bataille, et l’humaine. Or, l’alpha ne devait pas être jugée, car ses choix sont difficiles à prendre, et nous devions au contraire lui faciliter les choses en y obéissant sans qu’elle ne soit obligée d’user de son ténébreux pouvoir. L’humaine, elle, souffrait vraiment, chose nettement perceptible et pas agréable à voir. Raison pour laquelle il existait des gens comme moi, ou elle, pour que les humains ne soient plus obligés de souffrir, à cause de ces sales sangsues qui les arrachaient à leurs familles aimantes et ignorantes du danger qu’elles courent incessamment.

Cependant, et l’alpha avait encore raison, nous ne comprenions pas réellement. Nous savions qu’elle avait perdu son frère, et nous avions tous ressenti sa douleur quand son imprégnation avait volé en éclats. Ce qui nous était incompréhensible, mais qui de toute façon ne nous regardait pas, c’était pourquoi. Ce n’était qu’un vampire, un sale buveur de sang, qui en plus avait tué leur meneur, pas un humain ! Sa souffrance nous était inconnue, et pourtant nous la supportions chaque soir sans émettre la moindre protestation. Parce que ce n’était pas si simple pour elle de se reconstruire, et que chez les loups, la notion de pensée à soi n’existe pas.

« Ah, amour, quand tu nous tiens ... Faudrait partir en courant. »

Oui, je venais de massacrer allègrement une chanson de je ne savais plus trop qui, d’ailleurs. Mais on s’en fiche, non ?

« Mais qui sans amour existe ? »

Et hop, une autre chanson. Quelle culture j’ai, franchement x). Je m’appuyai plus confortablement contre la porte en poussant un petit soupir. Mine de rien, notre Alpha avait de la chance, elle avait trouvé ce que nous cherchions toute notre vie. L’amour. Elle était avec un sale vampire, certes, mais ... On ne choisit pas la cible de son imprégnation, c’est l’imprégnation elle-même qui choisit quelle personne on aimera plus que notre propre vie. Et même si j’étais misanthrope, cynique et ironique, je l’enviais un peu. L’amour m’était inconnu, et je ne le cherchais pas, mais j’enviais les personnes qui l’avaient trouvé. Même si c’était avec l’ennemi séculaire.

« Ignore leurs commentaires et leurs regards. L’amour ne se contrôle pas, ce n’est pas si facile. On a besoin de toi pour nous guider, même si tu souffres. On souffre tous pour toi mais on ne peux pas faire plus. »

[ désolée pour le retard, mais je te l'ai dit j'avais perdu mon post, et celui là est vraiment nul ^^' ]

Jill rit un court instant, sans réelle amertume.
Non, elle était amusée car les mots de Leah étaient véridiques. Francs. Vraiment.
Oui, elle aurait du fuir. Mais n'était-ce pas ce qu'elle avait fait, au fond ?
L'amour était une chimère réservée aux adolescentes niaises et naïves.
Une illusion. L'amour, comme on le décrivait, était une douceur, un paradis illuminé. Une éternité de bonheur. C'est à cet amour que rêvait les jeunes filles ordinaires. Mais Jill savait qu'elle n'y aurait jamais droit. Dans le royaume des Monstres, l'amour se fait passion déchirante et tumultueuse. La jeune fille recula, pour s'adosser contre un mur, blanc, prêt des lavabos. Rejetant la tête en arrière, elle jeta cependant un regard en coin à Leah, avant de répondre :

« Et c'est d'autant plus valable lorsque l'amour tient plutôt lieu de passion répugnante et indésirable, n'est ce pas ? »

Elle était dure avec ses propres sentiments. Mais il n'y avait rien à dire de plus pour décrire ce qu'elle éprouvait pour ce vampire dont elle ne savait finalement rien. Lui connaissait son passé douloureux dont il profitait à tort, son rang de meneuse. Elle, savait uniquement ce nom, et ce pouvoir si puissant. Elle le haïssait pour cela, pour avoir profité de sa pire faiblesse. Cette culpabilité qui la poussait à la souffrance. Comment vivre tranquillement quand on perd un frère, qui se sacrifie pour vous, et un amant que l'on assassine presque froidement ? Elle aurait voulu le haïr pour représenter tout autant l'espoir que la damnation, mais elle avait enfin reconnu qu'elle en était incapable. Il était le fond du gouffre. Il était la lumière la plus froide et la plus attirante qui soit, celle qui finirait par la consumer, dans un étau glacé.

« Mais peu importe. J'ai juré d'emporter un maximum de vampires avec moi. Et je tiendrai ma promesse. »

Doucement, la jeune fille se releva. Une tension insupportable déchirait tout son être, malgré la crise passée. Elle était instable, après ces morts. Sa soeur jumelle, son unique calmant, qui l'apaisait tout autant qu'Edouard l'engourdissait dans un état proche de l'ivresse, semblait bien avoir disparu. Si elle décidait une fois encore de traverser le lac pour se jeter sur les vampires, personne ne l'en empêcherait. Jill aurait aimé se transformer dès maintenant, mais en croisant le regard de Leah elle décida de rester inébranlable. Car elle était l'alpha. Elle se devait d'être forte.

« Et toi, Leah, n'as tu jamais envie de t'enfuir, loin de tout ce bordel ? »

Lily souhaitait fuir sa condition de louve. Capucine avait comme elle, détruit son amant. Aaron désertait la réalité à travers l'alcool. Tous étaient des âmes torturées. Et elle ? Cette adolescente impassible, qui prenait tout avec légèreté, l'aidant à se relever, souffrait-elle ?