Everything in my life. [ Lucy. ]

Ses longs cheveux blancs étaient agités par la brise. La lune leur donnait un aspect irréel. L’astre de la nuit baignait la terre d’une douce lueur, sa lumière était si différente de celle du soleil, moins chaleureuse mais bien plus belle. Elle mettait parfaitement en valeur son teint si pâle de vampire, soulignant avec une infinie beauté ses traits fins.
Lucy se leva du banc de pierre où elle s’était assise, déployant son corps et son interminable chevelure. Dans l’air venait de s’élever une douce mélodie. Les notes s’alignaient les unes après les autres, comme jouées à l’improviste par un musicien dénué de raison. Elle resta longtemps ainsi, sans bouger, laissant la musique pénétrer son âme. Elle n’ignorait pas l’identité de celui qui la jouait. Mais elle n’émettait aucun son, aucun semblant d’une fausse respiration… En sachant que la comédie ne durerait pas, que ce petit jeu cesserait aussi vite qu’il avait commencé.
Devant elle ne s’étalait que des terres délaissées par le commun des mortels. De longs et larges espaces désolés et morts qui dégageaient une espèce de sauvagerie qui ne lui était pas désagréable. Le parfum de la nuit l’enveloppait. C’était un moment de calme serein qu’elle appréciait.
Elle en vint à se demander si elle était réellement heureuse, depuis près de deux cents ans qu’elle vivait. Certes, c’était toujours bien mieux que sa vie humaine, mais bien incomparable. Elle avait quitté la peur des autres pour vivre dans la peur d’un seul être. Une seule et unique personne. Celle-ci même qui jouait cette mélodie. Edouard Evans. C’était un bien étrange sentiment qu’elle ressentait envers lui. Un mélange de colère réfréné par une peur invaincue. C’était compliqué, plus compliqué encore. Lucy était incapable de lui faire mal ou même d’essayer simplement. Et au fond d’elle, elle savait qu’elle ne le haïssait pas. Il était toujours froid avec elle, mais ne lui montrait-elle pas la même chose ?
Elle était la meneuse d’un clan qu’elle ne dirigeait pas. C’était juste un titre. Les fonctions lui étaient toutes attribuées, à lui, Edouard. C’était lui qui avait les réels pouvoirs et quelque part, Lucy s’en fichait. Ce n’était qu’un rôle, juste une référence pour des vampires qui avaient besoin qu’on prenne les décisions à leur place. Un troupeau d’incapables, tout comme les humains. Jamais ils n’avaient prouvé ce qu’ils valaient, ils n’étaient que des moutons assoiffés par un désir d’être un jour plus importants, plus respectés. Ils se leurraient totalement. Une pauvre bête juste capable de bêler en hochant de la tête le resterait pour toujours. On naissait avec ou sans cette volonté d’être.
Lucy se remit à sa respirer. A faire semblant du moins, car elle n’en avait pas besoin. Elle s’approcha de l’entrée de la vieille bâtisse qui était derrière elle jusqu’à présent. Un vieille église dont le toit avait été détruits. Certains vitraux n’étaient plus. Les insectes et les petits animaux avaient trouvé un cachette entre ses lourdes pierres disjointes recouvertes de mousse. Elles étaient les seules qui n’avaient pas bougé et qui ne bougerait pas de sitôt. Leur couleur grise donnait un aspect lugubre au bâtiment. Elle s’approcha de la grande porte de bois. Une croix avait été retirée, on n’en voyait encore la trace. Elle se pencha. Le crucifix gisait par terre, cassé en deux. Bien qu’elle n’apportait aucun intérêt, en général, à cet édifice et aux choses auxquelles les humains tenaient, elle trouvait stupide d’abîmer, de détruire uniquement pour le plaisir. Cela n’apportait aucune satisfaction personnelle, sauf celle de s’enfoncer encore un peu plus dans la stupidité.
Maintenant, Edouard devait avoir senti sa présence. Sa voix d’abord mélodieuse puis menaçante heurta ses tympans. Elle s’avança. Il se trouvait à présent face à elle. Ses cheveux étaient noirs, le parfait contraire des siens. Ils différaient totalement physiquement. Sauf leur peau, pareille à tous les vampires, pâle comme le clair de lune. Lucy le salua, à sa manière.

« Edouard… »

Sa voix s’était voulue indifférente mais une faible note d’ironie et de mépris perça tout de même. Elle posa son regard sur lui. Ils étaient vêtus de la même couleur : noire. Sa robe flottait dans l’air, caressant ses longues jambes. Elle n’avait pas de manches, mais Lucy n’avait jamais froid. Elle était pieds nus. Une habitude chez elle. Son regard d’un gris métallique ne quittait pas le visage parfait d’Edouard. Parfait et inexpressif, comme le sien

…