~ Hellébore. }

~ Hellébore.

[x] PV. Jill [x]

Avec les purs flocons tombent les rouges pétales

S

L

P

Il faisait noir. Le loup est tombé contre le sol. Ses pattes sont raides, mais pourtant sa poitrine se soulève. Sa fourrure blanche est tachée par le sang. Alors que le vampire s’apprête à l’achever, un autre canidé se dresse, la protégeant de son corps noir. Aaron n’a jamais abandonné, et aujourd’hui encore il se bat, pour ceux qu’il aime. Pour sa petite sœur qui git au sol, la respiration inégale. Jamais il n’aurait du faire d’elle son bêta, alors, elle ne se serait peut-être pas tant impliqué. Et peut-être aurait elle fuit. Pour sauver sa vie. Peut-être se serait elle sentie lâche, mais il ne voulait pas qu’elle meurt. Il tenait trop à elle. Il l’aimait en tant que frère. Comme il était poussé à aimer Naomi, par imprégnation. Pourtant, s’il n’y avait pas eu ce phénomène, sans doute serait-il malgré tout tombé amoureux de cette jeune fille merveilleuse. Jill quant à elle ne s’était pas imprégnée, mais sans doute un jour, cela lui arriverait. Il savait que l’indomptable adolescente prendrait cela comme un affront, se sentant enchainée à un sentiment qu’elle n’avait jamais éprouvé auparavant. Mais peut-être serait-elle enfin heureuse. Elle était bien trop souvent seule, malgré la compagnie de sa sœur jumelle. Il était gâté, avec deux sœurs louves. Rapidement, le loup-garou déchiqueta la chair de marbre du vampire. Un gémissement retentit derrière lui. Déjà, un vampire s’attaquait à Jill, toujours au sol, reprenant à peine ses esprits. Les dents s’approchaient de la gorge tendre. Il savait ce qui se passerait si le venin pénétrait le sang de sa petite sœur. Elle mourrait empoisonnée. Pourvu qu’il n’arrive pas trop tard…

D’un bond, il atterrit au coté de sa sœur. Les dents dévièrent de leur course, alors qu’il heurtait le vampire. Il esquissa un sourire canin, en effleurant sa sœur du bout du museau. Sourire qui s’estompa lorsque quelque chose le heurta. Il sentit ses chairs se déchirer alors que cette fois, les dents pénétraient dans son cou. Le venin le brûla, et il crut que son cœur allait s’arrêter de battre. Il tomba au sol, alors que quelqu’un hurlait à ses cotés. Personne n’aurait du mourir aujourd’hui. Cela n’avait été qu’une expédition destinée à prévenir les vampires : ils devaient partir, ou se mettre au régime végétarien. Aaron redevint humain, et il aperçut du coin de l’œil les combats qui s’arrêtaient, avant que sa petite sœur ne s’agenouille à ses cotés, en poussant un cri empli d’une douleur pure qui lui serra le cœur. Doucement, il l’attira contre lui. Elle allait devenir bêta, mais, il le savait, elle allait terriblement souffrir de sa mort.

« La vengeance ne résoudra rien. »

Une larme coula dans son cou, et il sut que sa sœur retiendrait les siennes jusqu’à la fin de la bataille. En apercevant dans le regard embrumé une lueur déterminée, il sut qu’elle n’écouterait pas ses paroles.

Que quelqu’un veille sur elle. Sur elles. Toutes deux sont trop jeunes pour ce qui les attend.
Et que quelqu’un veille sur Naomi pour moi. Elles sont les trois personnes que je chérissais. Mais …

Brusquement, il sentit ses pensées s’éteindre, et dans un souffle, il expira, dans les bras de sa sœur. Les yeux de Jill devinrent vides. Un vampire s’avança, s’agenouillant à ses cotés. Il était beau, comme ceux de sa race. Ses cheveux d’ébène, ses yeux de saphir. Elle croisa son regard. Le sang coulait sur sa mâchoire. Le sang de son frère.

« Vous paierez vampires. »

Edouard. Edouard. Pas lui. Cela n’avait pas été lui le meurtrier, pourtant c’était ce vampire avec lequel elle pactisait qui apparaissait dans son cauchemar. Jill ouvrit les yeux, haletante. Ses cheveux étaient trempés, et des mèches collaient à son front. Prenant une grande inspiration, elle regarda l’heure. Si elle ne se levait pas elle serait en retard pour son rendez-vous avec Naomi. Avec douceur, elle se dirigea jusqu’à la douche. L’eau chaude délia ses muscles noués, et elle leva la tête, son regard se perdant sur le plafond dont la peinture blanche se craquelait par endroit. La douleur était encore présente, même si elle ne lui donnait plus autant envie de se rouler dans un coin et d’y rester jusqu’à ce que la nuit ne la délivre. Non, elle se contentait d’être endurée, égrenant sa musique blessante dans le cœur de Jill et se rappelant à elle lorsque l’alpha l’oubliait durant quelques rires, par des cauchemars bien sentis. Alors qu’elle avait sut trouver un peu de répit en rencontrant ce vampire qui endormait sa douleur autant que sa nature de tueur l’attisait, cette nuit avait su ranimer la douleur sommeillante qui désormais lui brûlait le cœur et l’âme. Avec Détermination, l’adolescente s’habilla. Peut-être trouverait-elle un peu de soulagement en la compagnie de son amie. Naomi avait été celle dont s’était imprégné Aaron. Tout comme Jill s’était autrefois imprégnée de Nathaniel, avant de le tuer en ne pouvant se contrôler. A ce souvenir la douleur bondit en avant, heureuse de pouvoir jouer à nouveau.

Les cheveux blonds frôlaient le cou de Jill. Pour la première fois depuis leur rencontre, alors qu’elle était une louve tremblante du chagrin encore récent, Nathaniel posa ses lèvres contre les siennes, avec une douceur infinie. Le baiser fut long, et empli de douceur. Et pourtant, un instant plus tard, il se détacha. Elle était tendue. Par un cauchemar encore trop récent. Il esquissa un geste. Dessina une dispute. Et alors qu’elle aurait voulu se jeter dans ses bras, ce fut ses crocs qui se plantèrent dans sa gorge tendre.

« Non … » marmonna Jill, en terminant de s’habiller. Elle devait se souvenir, et arrêter de vouloir fuir le passé. Pourtant, elle n’avait pas envie de payer le prix de ses actes aujourd’hui. Elle avait besoin de croire que sa douleur pourrait un jour disparaître. Lorsqu’enfin elle sortit au dehors, l’alpha résista au besoin qu’elle avait de se transformer pour laisser derrière elle sa vie d’humaine. Ses compagnons liraient dans ses pensées. Tenteraient peut-être de l’aider. Mais elle préférait rechercher du soutien chez celle qui avait vécu la même douleur qu’elle, qui avait perdu Aaron autant qu’elle. Ignorant la marée noire de ses sentiments, Jill se dirigea vers la plage où elle trouverait sans doute Naomi. Les cheveux auburn de la jeune fille voletaient derrière son visage, encore humide de l’eau versée pour les laver des rêves néfastes.
Et elle l’aperçut enfin. Naomi était bien là, sur le sable froid. Son pas léger lui permit de se diriger jusqu’à son amie sans faire le moindre bruit. Désormais, le vent amenait sa chevelure à fouetter son visage.

« Naomi… »

Elle se retourna. Elle s’attendait à un minimum de bruit. Les galets étaient si facilement dérangés… Mais il n’en fut rien. Son nom fut prononcé juste derrière elle. Et la fille qui le prononça l’observait. Comme à chaque fois qu’elle la voyait, Naomi fut prise au dépourvu par ses yeux. Les fins fonds d’un alvéole. Une citerne qui renferme sous ses masses d’eau verveine l’espace, sombre. Des filaments d’un rouge rubis traversaient cet univers personnel mais elle ne pouvait les voir nettement. Sa vision était si réduite, elle ne pouvait imaginer cette représentation à travers le regard d’un vampire. Il y verrait la source des rubis eux-mêmes, et les étoiles. Lorsque Jill cligna des yeux, la jeune adolescente retrouva ses autres usages. Elle déglutit. De peur ? D’intimidation ? Ce ne pouvait être de la peur. Naomi se vantait à croire qu’elle connaissait Jill mieux que beaucoup de personne. Elle pouvait très bien se tromper. C’était sûrement le cas. Alors elle se plaisait à croire qu’elle eut connu Aaron mieux que quiconque. Mais encore une fois, elle avait peut-être tord. Jill en savait d’avantage. Sa main frôla les pétale de la rose, enfermée dans sa poche. Elle empoigna sa tige et la sortit dans l’air frais.

« … Jill. »

Rapidement, mais peut-être pas assez pour un loup-garou, elle sauta à son cou. Sans son poids, qui reposait sur la pointe de ses pieds. Jill était largement assez forte pour la soutenir si Naomi ne pouvait faire confiance en son équilibre. Mais elle pouvait. Alors elle étreignit son amie. De toutes ses forces. Elle n’osait s’écarter. Comment expliquerait-elle son acte ? C’était si simple pourtant… Jill était la seule à la comprendre. La seule qui partageait son récent chagrin. Elle était également sa seule amie, s’admit-elle envers elle-même. Seule. Peu importe si Jill la trouvait folle. Peu importe si son amitié n’avait pas d’égal au sien. Ce devait être dans la nature de la louve. Cette attirance. Et je ne parle pas d’amour au sens propre du terme. Juste une grande affection. Jill était facile à vivre. Bien qu’elle pouvait briser les poignés de Naomi d’une simple pression, bien qu’elle pouvait se métamorphoser devant ses yeux et montrer ses crocs, ça n’y changerait rien. Mais si Jill lui demandait de prendre ses distances elle l’écouterait. Même si son cœur s’effondrerait. Etre un fardeau ne pouvait qu’être plus douloureux. Avec un peu de réticence, Naomi décroisa ses mains et se détacha de son amie. Son odeur. La même qu’Aaron. Baissant les yeux, elle y songea un instant, curieuse et peureuse en même temps de connaître la réaction de Jill. Ce ne serait sûrement rien. Elle avait pour coutume de se faire des allusions. Mais sans prévenir, une allusion pouvait s’avéré vrai. Alors le choc. Mais elle n’avait pas besoin d’allusions pour trouver la peine. Ses yeux observait toujours les galets aux différentes couleurs.

« S’il te plait dis moi que tu vas bien. »

Elle joua avec la fleur, la tournoyant entre ses doigts. Ses pétales se pliaient sous la force du vent, menaçant de ses faire emporter. Les épines ne tanguaient pas elles. Parce que même s’il perd son arme, le danger est toujours présent. Alors il faut fuir, si ce n’est déjà trop tard. Aaron. On ne lui avait jamais dit comment il était mort. Elle ne voulait sûrement pas savoir. A ce point là, il n'y avait pas de place pour la curiosité. Il était mort, emportant une part d'elle avec lui. Une part trop grande. Son existence avait perdu son sens. Sa raison de vivre. Elle l'avait aimé. Elle ne s'en rendait compte que trop tard. Il avait été un frère pour elle. Jusqu'à un certain point, si incertain, où elle aurait du se rendre compte qu'il avait été plus pour elle. Peut-être alors l'aurait-il écouté. Peut-être qu'il ne serait pas partit. Qu'il serait rester près d'elle. Elle était loin de se douter que, s'il n'avait pas prit pars à la bagarre, Jill serait morte. Ce jour là, cette nuit là, la mort avait eu le choix entre deux victimes. L'une d'elle devrait être condamnée. Pour faire souffrir l'autre. Naomi voulait être certaine que la joie regagne son amie. Ca avait presque plus d'importance que sa propre joie. C'était une des choses que Aaron lui avait apprit, sans s'en rendre compte. Sa tendresse et son attention envers elle lui avait donné cette la vue. Ce miraculeux regard qui voyait l'importance que pouvait représenter les autres. Et sa mort avait accomplit son apprentissage. Sans cette importance et cet instinct de sauvegarde, quand une de ces personnes nous quittait, on trouvait le chagrin, se rendant compte trop tard son importance. Il suffit de perdre ce qu’on a pour se rendre compte de son attachement. Elle avait eu une avant première de l’amour, le vrai, avant de le perdre sous un flot de sang. Maintenant, elle avait le sentiment qu’elle ne le trouverait jamais. Que cette avant première si cruellement détruite avait fait fuir toutes tentatives du futur. Comme elle n’avait pas était à la hauteur, qu’elle n’avait pas eu la force de le retenir, elle n’était pas digne de partager le bonheur de quelqu’un. Et les souvenirs ne la lâcherait jamais. Elle devrait faire face aux lapsus quand ils viendraient. Au fantôme de Aaron qui la hantait. Qui venait d’elle même. C’était elle, qui se faisait mal. Sans pouvoir rien y faire.

x. La contemplation m’emplit le cœur d’amour.

Jill surprit le regard brusquement lointain de son amie, percevant son trouble. Mais comme à chacune de leurs rencontres, elle fit mine de ne rien avoir remarqué. Ses yeux ne quittaient pas le regard d’améthyste de Naomi. Elle n’essayait même plus de comprendre les autres, pourtant elle faisait encore cet effort pour la jeune fille. Et même si leurs personnalités différaient, certains de leurs sentiments étaient les mêmes. Ainsi Jill comprenait la douleur qui devait habiter le cœur de sa vis-à-vis comme elle squattait sans-gêne le sien. Puis, brusquement, elle sentit des mains se nouer autour de son cou, alors que celle qu’elle considérait comme une meilleure amie plus que comme une sœur, se jetait contre elle. Légèrement gênée par cette marque d’affection qui lui avait toujours été inhabituelle, et pourtant touchée, la louve détourna le regard, sans pour autant s’éloigner, Jill accepta avec une certaine chaleur l’étreinte affectueuse de Naomi. Son cœur tressaillit dans sa poitrine. Elle avait besoin de la présence de la nouvelle arrivante. Comme elle avait besoin de sa sœur jumelle, qui pourtant restait dans l’ombre depuis un certain temps. La jeune Quileute se sentait gênée. Comme si en sympathisant avec un vampire elle avait brisé ses convictions et trahi la meute. Pourtant, tous les loups ne souhaitaient pas comme elle la mort de chaque suceur de sang. Jill avait beau se montrer neutre envers les vampires végétariens, elle éprouvait pour cette race une répugnance invisible. Aussi elle s’en voulait d’apprécier, de désirer un vampire. Un tueur de plus. Les vampires avaient détruit sa vie. Désormais ils paieraient. Elle les chasserait jusqu’à ce qu’ils périssent. Mais pourrait-elle se résoudre à tous les tuer ? Tous ? Car si elle avait déjà salies ses mains, elle sentait son cœur se tordre à l’idée même de voir l’existence d’Edouard prendre fin. Il était sa drogue, nécessaire à son bonheur et qui pourtant la torturait. Mais elle n’en était pas encore totalement dépendante, et elle savait que Skin tenterait volontiers de la désintoxiquer. Mais l’Alpha ne voulait pas renoncer à l’unique lueur qui lui annonçait un avenir différent du chaos. Sa main frôla l’épaule de son amie, et sa bouche dessina un léger sourire. Qui s’effondra en entendant les mots de Naomi.
C’était parfaitement compréhensible. Elle aussi aurait aimé écouter son amie lui crier son bonheur. Ou du moins affirmer qu’elle se sentait bien. Mais elle-même, pourrait elle mentir ainsi ? Car comment se sentait-elle ? Elle avait l’impression d’avoir été piétinée, torturée, et laissée pour morte alors que son cœur battait encore. Elle se sentait déchirée et souillée. Et traître. Le rictus revint, loin d’être sincère cette fois. Il était… étrange. Légèrement épanché, on aurait pu croire que la jeune femme mourait d’envie de se mordre les lèvres pour retenir un sanglot. Il était tremblant. Il était… empli d’amertume. Et tellement moqueur.

« Je vais bien. »

Des mots qui s’envolèrent rapidement. Des mensonges. Elle espérait duper son amie, et décida de faire un effort pour cela. Relevant ses épaules qu’elle avait légèrement voutée, elle raccommoda son sourire déchiqueté, et tenta de rallumer les étoiles qui brillaient autrefois dans son regard. Echec.
Abandonnant un instant les faux-semblants, elle laissa son visage redevenir peiné, sans pour autant afficher sa douleur, sans pour autant l’hurler au vent afin qu’il la souffle vers d’autres rivages.

« Du moins je sais que la lumière existe encore. »

C’était plus réel. Elle n’espérait pas réellement. Mais elle croyait à l’existence de l’espoir. Cependant elle se débrouillait pour avancer dans sa tristesse, et cela lui convenait parfaitement. On peut vivre sans étoiles tant que l’on continue à croire à leur existence.

»

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sur

Alors brille, Jill.

Aussi irréel que ça peut paraître venant de ma bouche en cet instant. Parce que tous ici est irréel. Tu en es la preuve flagrante. Et je sais que tu peux le faire. Tu n’est pas comme les autres, sans parler de ta race. Tu es unique. Tu as toujours brillé. Mais le feu s’est presque éteint lorsque la mort à sonné. Enflamme le à nouveau. Il est encore là. Encore là...

Tu es la lumière. Tu brilles ..encore…

Jill leva les yeux vers le ciel, non pas pour se moquer des paroles de sa meilleure amie, mais plutôt pour se plonger dans la contemplation du monde paisible qui s’étendait au dessus d’elle. Les nuages roulaient, disparaissant de son champ de vision, quittant leur espace bleuté pour un autre, charriés par une force invisible. La vie était pareille au ciel. Des gens partageaient un instant votre temps, puis, poussés par le destin, s’en allaient vers d’autres horizons. Elle aurait du pleurer. La douleur lui compressait la poitrine, revenant à la charge depuis le cauchemar. Des myriades d’images palpitaient dans son esprit, chacune plus sombre que la précédente. L’alpha ne pleurerait plus. Elle l’avait décidé. C’était fini, désormais elle devait souffrir en silence.

Il fait noir. La louve se traine pour rentrer. Les autres ont déjà disparu, obéissant à ses ordres.
Mais elle veut voir. Voir si elle a toujours le désir de vivre. Sa fourrure blanche forme un éclair lumineux lorsqu’elle plonge dans le lac. L’immense lac qui forme la frontière entre leurs territoires. Elle aurait pu passer par la forêt. Mais elle veut se tester, savoir si elle a le droit de continuer après ce qu’elle a vu. Il y a du sang sur sa fourrure immaculée. Et des larmes dans son cœur. Lentement, se laisse aller dans l’eau translucide, qui se teinte de pourpre autour d’elle. Là, dans les millions de reflets lumineux de l’eau, on pourrait croire qu’elle n’est qu’un cadavre balloté par les flots. Mais ses yeux ne sont toujours pas vitreux. Brutalement, elle relève la tête. L’animal file à nouveau vers la rive. Elle y retournera plusieurs fois, pour comprendre si elle veut toujours vivre avec sa souffrance. Parfois elle filera vers les vampires, pour s’arrêter avant de quitter le lac pour de bon, ce qui signerait sa condamnation.

Oui, elle brillait peut-être encore. Pour Skin. Pour Aaron. Et pour elle, pour Naomi. Pour tous ceux qui comptaient sur elle, et peut-être, pour porter son fardeau avec courage. Un jour peut-être accepterait-elle de comprendre qu’elle n’était pas coupable de la mort de son frère, mais que les vampires l’étaient entièrement. Elle y était presque parvenue. En revanche, jamais elle ne se pardonnerait le meurtre de son premier amant. Jill éclata de rire de nouveau. Elle se sentait prête à se libérer, mais elle ne le serait jamais réellement. La jeune femme caressa le coquillage de Naomi, avant de s’éloigner, courant dans l’eau, jusqu’à ce que la force des flots l’empêche de continuer sa course. Elle aurait pu tomber, emportée par sa vitesse, mais elle parvint à se stabiliser. Ses jambes étaient trempées maintenant, mais elle se contenta de lever la tête, fermant les yeux, écartant largement les bras. Et elle cria ses paroles à son amie, d’une voix presque heureuse.

« Non Naomi. Je ne suis pas la lumière. Je ne fais que refléter tout le soleil que tu m’offres. Et un jour il me faudra bien apprendre à briller seule. »

Ses paroles s’offrirent au vent, s’offrirent à sa meilleure amie. Puis elle revint, d’un pas plus tranquille, trempée, et apaisée de ses cauchemars pour l’instant. Ses yeux tourmentés étaient enfin apaisés, et elle serra d’elle-même Naomi dans ses bras, ne faisant pas attention au fait qu’elle était mouillée. Enfin, elle se recula.

« Je vivrai avec mes souvenirs. Aller bien ne sera jamais réellement vrai, et pourtant jamais réellement faux. C’est ma croix à porter. Tu as la tienne. »

Elle avait tant de choses à lui raconter. Tant de chagrin à épancher sur son épaule. Mais elle préféra rester joyeuse, au moins maintenant, pour la soutenir à sa façon.

vampire

monde

vie

Jill, ne fait pas semblant. Ne t’efforce pas de sourire pour moi si tu n’en as pas envie. Ca ne m’empêchera pas de soutenir ma croix. Et je soutiendrai mieux la tienne.

réellement

Ca te va bien.

-» { c’est court mais j’ai plus d’inspi ^^’ ]

Jill esquissa un sourire, et observa les pétales de la rose. En effet, ils s’accordaient avec merveille avec son regard sanglant, aux milles nuances rubis et améthyste. Ses doigts se saisirent de la main de Naomi, enlaçant les épines de la fleur si belle et pourtant si dangereuse. L’alpha effleura les piquants du bout des doigts, avant de relâcher sa prise, son rictus empli d’amertume s’évanouissant rapidement. Elle n’était pas seule. Il y avait Skin, Naomi, Aaron. Pourquoi aurait-elle besoin de tomber amoureuse d’un suceur de sang ? Elle était l’Alpha, la louve immaculée, une flèche lumineuse destinée à mener sa meute. Personne ne pouvait désobéir à sa voix. Alors pourquoi maintenant ressentait elle le besoin de le poursuivre, de le traquer jusqu’à ce qu’elle puisse le toucher, quitte à le frapper pour cela. Sa peau appelait celle glaciale du vampire. Pourquoi ne pouvait-elle simplement aimer Aaron comme elle le voulait ? Il était là pour elle, avec ses mots tendres et sa présence chaleureuse. Si elle sentait un certain amour vibrer en elle lorsqu’elle posait sa joue contre son épaule, elle ne parvenait pas à se consumer comme elle le faisait lorsque le vampire l’effleurait. C’était un désir déconcertant, et tellement interdit qu’il la détruisait tout en attisant sa flamme.
Et pourtant. Elle avait beau l’aimer, aujourd’hui elle en était certaine, un jour elle le rencontrerait sur un champ de bataille. Et il lui faudrait choisir. Le laisserait-elle plonger ses crocs dans sa gorge et la faire tomber, à l’agonie ? Ou vaincrait elle pour ses idéaux, pour cette vengeance qui lui murmurait à l’oreille, étouffant le cri de son cœur ? Choisirait-elle de le tuer ? De le combattre jusqu’à ce qu’il meurt, l’harcelant avec ses frères et sœurs ?

Agacée, Jill secoua la tête. Naomi ne pouvait réellement comprendre. La jeune humaine était libre d’aimer qui elle voulait. Et elle n’était pas coupable d’un meurtre ignoble. Sa meilleure amie méritait qu’on veille sur elle car elle souffrait dans toute sa pureté. Mais elle, Jill, ne méritait que l’abandon. L’alpha fouilla les yeux de son amie, mais elle ne put y lire quoi que ce soit. Elle frissonnait, et renonçant à la vue des vagues mourant sur la rive, Jill tourna les talons.

« Tu sais, s’il est mort ce soir là, c’était pour me protéger. »

Sa voix était sourde, mais elle ne pleurerait pas. Il n’y avait que ce vampire pour déclencher ses sanglots. Avec lui, ses sentiments étaient incroyablement confus. Elle avait renié un amour qui paraissait tellement évident. C’était un désir incandescent, une affection destructrice. Une passion qu’elle ne pouvait éteindre. Elle avait voulu jouer avec ses sentiments, car elle le désirait. Et le jeu dangereux l’avait séduite. Elle s’était brulé les ailes à ses cotés, mais elle avait apprécié cela. C’était à qui cèderait en premier.

« C’est moi, aussi, qui ait tué celui que j’aimais. Tu le savais non ? »

Elle avait besoin de tout lui dire, aujourd’hui, enfin.
Edouard. Edouard le savait. Il l’avait lu. Ce jour où elle avait compris qu’elle l’aimait. Que son jeu, destiné à le faire réagir, à briser ses défenses, s’était retourné contre elle. Qu’elle s’était prise au piège de sa froideur, de son caractère si sombre, de sa tendresse fugace. Du danger qui émanait de lui. Elle avait failli le laisser la tuer. Cela n’aurait été que justice qu’elle meurt assassinée par celui qu’elle aimait, à son tour. Mais pour son frère, pour son amant, elle se devait d’être heureuse, du moins en façade. La souffrance pouvait la dévorer dès que les regards se détournaient d’elle. Mais elle n’était pas autorisée à se plaindre. Il lui fallait porter la douleur avec plaisir.

« Alors pourquoi devrai-je avouer ma souffrance, puisque je la mérite ? »

Elle avait failli ce jour là. Son rôle était de défendre les humains. L’existence même de la meute suivait ce but. Mais elle n’avait pu se contrôler. Il n’était que justice qu’elle souffre. Et qu’elle fasse tout pour éviter cette souffrance à ses frères et sœurs de meute. Car ils ne pouvaient éviter cette douleur qui hantait son esprit dès qu’elle se transformait. Elle savait qu’ils devaient supporter son amertume, et elle s’efforçait alors de la voiler, pour ne la relâcher qu’une fois devenue humaine. Pour ne pas blesser de sa sentence des innocents.